Le livre Aligned: Stakeholder Management for Product Leaders de Bruce McCarthy et Melissa Appel introduit de manière détaillée la gestion des parties prenantes pour les leaders de produits. En s’inspirant de leurs connaissances et surtout de leurs expériences personnelles, les auteurs s’adressent aux professionnels qui cherchent à créer et maintenir des relations de confiance avec des parties prenantes variées. Il décrit des stratégies éprouvées pour aligner objectifs, valeurs et intérêts entre différentes équipes, et ainsi renforcer la collaboration dans l’organisation. C’est ce que nous allons voir dès maintenant.
Relations de confiance
Le premier chapitre aborde l’importance des relations de confiance comme pilier de la gestion des parties prenantes. McCarthy illustre cette idée avec des anecdotes, dont l’une décrit sa rencontre hebdomadaire autour d’un café avec un CTO, rencontre qui a permis d’établir une base solide pour des discussions ouvertes et productives. Ce rituel simple montre que la confiance découle souvent de moments informels, de discussions autour de sujets personnels et d’intérêts partagés. En créant ces moments d’échange décontractés, les leaders de produits peuvent mieux comprendre les priorités et les valeurs de leurs collègues, facilitant ainsi les échanges au moment de prendre des décisions complexes.
La confiance repose sur la foi en la constance des intentions de quelqu’un, même si ses actions futures sont incertaines. Cette définition est illustre bien que la confiance va au-delà des actions spécifiques : elle concerne la perception de fiabilité dans un contexte incertain.
Ce chapitre offre aussi des stratégies pour renforcer la confiance par des expériences partagées (comme les discussions informelles, même virtuelles) et des « conversations de couloir » qui peuvent recréer, dans les organisations à distance, la spontanéité des échanges en face à face.
Pourquoi la confiance est-elle vitale ?
La confiance ne se limite pas aux tâches professionnelles : elle implique des révélations personnelles, qui favorisent un sentiment de sécurité psychologique. Ce dernier point, fondamental en gestion d’équipe, aide à renforcer la communication et la coopération. L’ouvrage souligne qu’un climat de confiance permet aux parties prenantes de se montrer honnêtes, même dans des situations difficiles, car elles savent que leurs intentions ne seront pas mal interprétées. Par exemple, un collègue pourrait exprimer des contraintes sur un objectif commun sans craindre que cela soit perçu comme un manque d’engagement.
Techniques pour créer des expériences partagées
Les auteurs suggèrent de commencer par des activités à faible enjeu, comme partager un café ou organiser une réunion informelle. Ces moments permettent aux membres de l’équipe de se découvrir, d’identifier des valeurs communes, et de renforcer progressivement leurs liens.
Les conversations de couloir s’avèrent également très importants. Parfois, des discussions improvisées autour de la machine à café permettent de mieux comprendre les préoccupations d’un collègue. Dans un environnement de travail à distance, cela peut se traduire par des messages instantanés, des appels vidéo ou même (pourquoi pas) des promenades virtuelles pour recréer cette dynamique. L’ouvrage mentionne des plateformes comme Miro pour collaborer à distance ou des applications comme Slack pour maintenir des échanges informels et spontanés.
Le réel organigramme
Le second chapitre explore la structure organisationnelle au-delà des titres officiels et de l’organigramme classique. Il insiste sur le besoin de comprendre comment les décisions sont réellement prises dans une organisation, un aspect souvent complexe car les structures organisationnelles formelles ne reflètent pas toujours le pouvoir effectif. En réalité, certaines équipes ou individus influencent davantage les décisions, et il faut identifier ces personnes-clés.
Les auteurs distinguent plusieurs styles de prise de décision :
- Directive : une ou quelques personnes décident et communiquent leurs décisions à l’équipe.
- Démocratique : les décisions sont prises à la suite d’un vote.
- Participatif : le décideur principal sollicite activement les avis avant de prendre une décision.
- Consensus : les décisions nécessitent l’accord de la majorité, souvent après de longues discussions.
Ces approches influencent directement la façon dont les leaders de produits doivent gérer leurs relations. Par exemple, dans un environnement dirigé par un consensus, obtenir l’adhésion de tous est nécessaire. À l’inverse, dans une structure directive, il est souvent plus efficace de se concentrer sur les leaders influents pour faire avancer les décisions.
Comprendre la culture organisationnelle
Pour comprendre où se situe réellement le pouvoir, McCarthy et Appel recommandent d’observer des éléments tels que la rapidité de financement des projets, l’aisance de certains départements à recruter, ou encore les relations informelles entre la direction et les chefs de service. Cette approche permet de déterminer si l’organisation est dirigée par la vente, le marketing, l’ingénierie ou la finance, et d’adapter la stratégie d’influence en conséquence.
Rôles et responsabilités
Les auteurs soulignent ensuite l’importance d’établir des rôles et des responsabilités clairs, pour réduire les malentendus. Cela implique notamment de définir un point de décision unique (ou DRI, pour Directly Responsible Individual) pour chaque projet, ainsi que des processus de validation bien structurés. Cette approche clarifie qui est responsable des décisions et qui doit être consulté, rendant les échanges plus fluides et les responsabilités plus transparentes.
Techniques avancées d’influence et de communication
Pour bien gérer ses parties prenantes, le leader de produits doit également maîtriser l’art de l’influence subtile et respectueuse. L’ouvrage conseille de :
- Se montrer généreux : en cédant sur des points mineurs, on gagne la confiance de ses interlocuteurs, créant ainsi une dynamique de réciprocité.
- Faire preuve de transparence : en expliquant clairement les priorités et les enjeux, même lorsque ceux-ci ne sont pas favorables, le leader renforce sa crédibilité.
- Être cohérent : en alignant les paroles avec les actions, le leader de produits devient une figure de référence fiable.
Les auteurs introduisent également des exercices pratiques pour développer ces compétences, tels que « le miroir », qui consiste à refléter le langage corporel de son interlocuteur pour créer de l’empathie, ou la technique des anecdotes, où l’on partage des histoires personnelles pour encourager la réciprocité dans les échanges.
Maintenir la confiance une fois qu’elle est établie exige une intégrité constante, faite de réactivité, de transparence, et de constance. Le livre insiste sur l’importance d’une communication régulière, même en cas d’incertitude. Par exemple, il est préférable de faire un point d’étape avec les parties prenantes plutôt que de différer une réponse dans l’attente de certitudes.
Comprendre la culture organisationnelle et les motivations individuelles
Dans leur livre, les auteurs expliquent comment une organisation peut être influencée par sa culture dominante, un aspect qui détermine souvent quels départements ou individus possèdent le véritable pouvoir de décision. Ils identifient plusieurs types de structures organisationnelles : fonctionnelle, divisionnelle, matricielle, et hybride, chacune présentant des défis uniques pour les leaders de produit. La structure fonctionnelle, par exemple, tend à cloisonner les départements, créant ainsi un environnement où la collaboration transversale devient incontournable pour réussir.
Les auteurs recommandent de diagnostiquer cette culture en observant des indices comme l’origine du CEO, les départements ayant un accès prioritaire aux budgets, ou encore les relations informelles. Ce diagnostic permet aux leaders de produits d’identifier les « joueurs de pouvoir » et les approbateurs informels qui influencent la dynamique de l’organisation, même s’ils n’ont pas toujours un rôle officiel dans l’organigramme.
L’art de dire non
L’un des défis pour les leaders de produit est de savoir quand et comment dire “non” à des demandes conflictuelles, sans aliéner les parties prenantes. Selon les auteurs, dire “non” ne signifie pas rejeter une demande sans discussion. Il s’agit plutôt de prioriser les projets de manière transparente, en illustrant que certains éléments sont mis de côté temporairement, voire définitivement, en raison de contraintes de ressources ou de stratégie.
Les auteurs mettent en avant la méthode du “dessin de la ligne” : placer les demandes en-dessous d’une ligne pour indiquer que, même si elles sont notées, elles ne sont pas actuellement prioritaires. Cette transparence contribue à réduire les frustrations et aide les parties prenantes à comprendre les contraintes du produit. Le modèle MoSCoW (Must, Should, Could, Won’t) peut également aider à classer les demandes en fonction de leur importance.
La matrice TIPS et la priorisation des parties prenantes
Dans leur modèle TIPS (Team, Impacted, Power Players, Subject Experts), McCarthy et Appel classifient les parties prenantes en quatre catégories pour aider les leaders de produit à les aborder de manière stratégique :
- Équipe (Team) : Ceux qui contribuent activement au produit.
- Impactés (Impacted) : Les utilisateurs finaux ou clients internes touchés par les décisions.
- Joueurs de pouvoir (Power Players) : Ceux qui ont un rôle d’approbation ou d’influence majeur.
- Experts (Subject Experts) : Ceux qui détiennent des connaissances techniques ou stratégiques indispensables
La matrice permet de visualiser chaque partie prenante selon son niveau d’influence et d’intérêt, priorisant ainsi celles qui nécessitent une attention particulière pour le succès du produit.
Les auteurs mettent en avant l’importance de la narration et de la compréhension des motivations individuelles des parties prenantes pour comprendre les parties prenantes et créer des récits convaincants. Ils encouragent les leaders de produit à tester leurs récits auprès de collègues de confiance avant de les présenter à des décideurs plus influents. Le but est de s’assurer que le message est clair et résonne avec les priorités des parties prenantes, augmentant ainsi les chances d’adhésion.
Comprendre et gérer les personnalités des parties prenantes
Les auteurs proposent une approche nuancée pour comprendre les motivations et comportements des parties prenantes. Ils utilisent un modèle de personnalités (ou personas) des parties prenantes, identifiant ainsi plusieurs profils typiques : le « soutien dévoué », le « collaborateur sceptique », ou encore le « visionnaire exigeant ». Chacun de ces profils a des attentes et une manière de fonctionner spécifiques. Par exemple, le « visionnaire exigeant » peut avoir des idées très précises mais nécessite d’être orienté vers des objectifs réalistes pour éviter des demandes excessives ou irréalistes.
Créer un canevas des parties prenantes
Un aspect important de la gestion des parties prenantes est l’élaboration d’un canevas des parties prenantes, une sorte de « véritable organigramme » cartographiant les rôles informels et les relations d’influence. Les auteurs soulignent l’importance de maintenir ce canevas à jour, en prenant en compte les évolutions dans les priorités et les besoins de chaque partie prenante. Ce document dynamique est conçu pour servir de guide tout au long du projet, facilitant l’engagement et la prise de décision.
Maintenir l’alignement continu
McCarthy et Appel insistent sur la nécessité de maintenir l’alignement des parties prenantes sur le long terme. Pour cela, ils conseillent d’adopter une approche itérative, où la feuille de route du produit est continuellement mise à jour en fonction des retours des parties prenantes et des évolutions de l’entreprise. Ce dialogue permanent permet de gérer les nouvelles demandes de manière proactive, en demandant aux parties prenantes de prioriser leurs requêtes par rapport aux projets existants
Pour renforcer cet alignement, McCarthy et Appel encouragent les leaders de produit à visualiser les compromis nécessaires avec leurs partenaires en ingénierie et en finance, en montrant, par exemple, les délais et les ressources associés à chaque choix. Le concept du Triangle de Fer (qualité, coût, délai) est souvent évoqué pour expliquer qu’un changement dans une variable affecte nécessairement les autres. Ces principes permettent aux leaders de faire des choix éclairés et transparents, en impliquant directement les parties prenantes dans les discussions de priorisation
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